La société EXID C&D, installée dans les Côtes d’Armor, propose un nouveau concept disruptif de transport ferroviaire intelligent : TAXIRAIL, une navette autonome ferroviaire. Composé de modules autonomes sans conducteur, il vise à donner une nouvelle vie aux petites lignes ferroviaires dont l’exploitation n’est pas rentable. En effet, la mobilité dans les territoires qu’elles desservent est en jeu de même que leur vie économique .
État des lieux désastreux du ferroviaire en France
En date du 15/02/2018, le rapport SPINETTA, intitulé « L’avenir du transport ferroviaire », dressait un constat préoccupant du système ferroviaire français. Parmi ses faiblesses, on peut noter les performances opérationnelles, le coût pour les collectivités, les modèles économiques déséquilibrés et le subventionnement massif.
Dans sa 2e partie, il présentait aussi des recommandations afin de mieux répondre aux besoins des voyageurs. Son objectif visait à rétablir l’équilibre économique et une compétitivité de SNCF Réseau. A ce constat, il faut ajouter plus récemment la perte abyssale estimée à 5 milliards d’Euros des recettes d’exploitation. Elle fait suite à la baisse de fréquentation voyageurs du fait de la récente crise sanitaire liée à la COVID-19.
Quid des petites lignes ferroviaires ?
Cet état des lieux s’avère plutôt désastreux. Pourtant, il est certain que les grandes lignes perdureront car elles assurent la mobilité d’un nombre important de voyageurs. Par contre, qu’en sera-t-il des 200 petites lignes du réseau ferroviaire ? Leur existence était déjà fortement compromise avant même le rapport SPINETTA et la crise sanitaire.
Doit-on accepter d’en arrêter l’exploitation parce qu’elles ne sont pas rentables ? Faut-il plutôt rechercher des solutions alternatives susceptibles de maintenir la vie économique et sociale ? En effet, ces petites lignes assurent par une desserte fine des territoires qui autrement s’en trouveraient fortement pénalisés.
TAXIRAIL : la solution de la navette autonome ferroviaire
Jusqu’alors, un train classique de type TER assurait un service régulier avec des horaires fixes imposés pour le transport des voyageurs. Il était surdimensionné en terme de capacité par rapport au nombre de voyageurs empreintant le réseau ferré. De plus, il générait des coûts de fonctionnement élevés qui conduisaient à une balance déficitaire. A contrario, TAXIRAIL a opté pour une solution plus « light » et flexible qui va prendre en compte en temps réel la demande exprimée par les voyageurs.
S’appuyant sur l’infrastructure ferroviaire déjà existante, ce nouveau système envisage d’utiliser des navettes autonomes ferroviaires de 6 mètres (ou modules) sans conducteur. Chacune d’elles comporte 16 places assises, 2 emplacements PMR, 3 à 6 crochets pour suspendre des vélos pendant le voyage et une capacité de 40 voyageurs par module. Les itinéraires proposées seront établis sur mesure, y compris en heures creuses. Leur activation ne s’effectuera qu’en fonction des demandes exprimées par les voyageurs (transport à la demande). Cela devrait renforcer l’attractivité d’un tel service.
Au cas où la demande viendrait à excéder ce nombre de voyageurs (notamment en heures de pointe), un convoi de 3 modules regroupant plusieurs navettes s’organisera (on parle aussi de « platooning », mot emprunté au domaine militaire). Cela permettra d’accroître la capacité pour tenir compte du nombre de places réservées. Le système central supervisera leur acheminement à distance.
Alimentation en énergie et réservation d’un voyage avec TAXIRAIL
Les petites lignes étant majoritairement non électrifiées, les modules TAXIRAIL disposeront d’une motorisation hybride avec des batteries rechargeables. Cela leur assurera une autonomie de l’ordre de 600 km. Le moment venu, des stations de charge H2 ou GNV installées près des gares desservies fourniront l’énergie nécessaire. D’autres utilisateurs potentiels pourront également se servir de cette infrastructure.
La réservation d’un voyage aller/retour (gares d’origine et de destination à sélectionner dans une liste prédéterminée) ainsi que l’indication du jour et de l’heure du déplacement souhaités se fera directement par le voyageur via une application mobile. Préalablement téléchargée sur son smartphone, il définira son profil utilisateur. En fonction des demandes exprimées, le système central proposera alors un horaire qui permettra de regrouper un maximum de voyageurs dans un minimum de modules.
Bénéfices attendus de TAXIRAIL
Flexibilité et coûts d’exploitation réduits
Par sa flexibilité, cette solution propose une offre de service mobilité en adéquation avec la demande. De plus, elle permet de réduire significativement les coûts d’exploitation. En effet, ils sont 5 à 10 fois moins élevés que ceux d’un TER du fait de l’absence de conducteur. La présence d’un ou de plusieurs superviseurs du trafic en central ainsi que l’utilisation d’un système s’appuyant sur l’Intelligence Artificielle pour construire l’offre de service la compense.
Coûts de maintenance et de mise en service limités + Rentabilité
Par ailleurs, les navettes étant des trains de petit gabarit (8 tonnes), elles ne sollicitent pas excessivement la voie. Ainsi, les coûts de maintenance s’en trouvent réduits. Au regard des simulations réalisées par EXID C&D, cela devrait permettre de passer d’une situation très déficitaire à un équilibre financier. On peut même escompter faire des bénéfices.
La mise en service ne nécessitera pas de coûts supplémentaires au niveau de l’infrastructure puisque celle-ci existe déjà. Cependant, il y aura un minimum de frais pour sa remise en état. C’est l’avantage d’un modèle économique qu’on baptise « Over The Top » (OTP).
En résumé, ce service semble attractif pour les voyageurs et rentable autant pour l’exploitant que pour les collectivités locales. TAXIRAIL apparaît comme une opportunité de pérenniser un service de mobilité sur les petites lignes ferroviaires. De plus, il s’articulera avec les grandes lignes structurantes du réseau français dont il complètera l’offre avantageusement.
Étapes de la mise en œuvre de TAXIRAIL
EXID C&D prévoit d’expérimenter le premier démonstrateur TAXIRAIL à partir de la fin d’année 2021 pendant une période d’un an. D’ores et déjà, il a engagé la phase de conception détaillée avec plusieurs partenaires. Il s’agit de Geismar (leader mondial des équipements et services de pose et de maintenance ferroviaire) et Faar Industry (spécialiste de l’électronique embarquée).
Au cours du 1er semestre 2021, les études détaillées concernant l’exploitation d’une quinzaine de lignes sortiront. Elles permettront d’estimer le potentiel des lignes étudiées et la pertinence d’y déployer un tel service. Les résultats seront partagés avec les élus locaux. Dans le même temps, un audit concernant l’état des voies et des ouvrages d’art sera réalisé. En effet, il est nécessaire de vérifier que les conditions de sécurité et d’exploitation sont bien réunies.
Caux Vallée de Seine, 1e opération
D’ores et déjà, la ligne Motteville – Saint Valéry en Caux fait l’objet d’un examen approfondi dans la perspective d’une réouverture à l’horizon 2024. Pourtant, elle n’accueille plus de voyageurs depuis 1994. Or, elle dessert un bassin de vie de 45 000 personnes. Sa remise en service constituerait une formidable opportunité de favoriser un report modal de la voiture particulière vers le transport public. Cela représente une économie de l’ordre de 450 € par mois sur le budget automobile par ménage et au niveau environnemental 430 tonnes de CO² en moins.
En conclusion
La société commerciale TAXIRAIL, créée depuis juin 2020, espère pouvoir commercialiser ses premiers modules dès 2023. Cependant, il reviendra à chaque Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM) d’organiser le service en faisant appel à un exploitant traditionnel. Quant à elle, EXID C&D limitera son rôle à la fourniture des modules, des services de supervision et de la maintenance. Désormais, il appartient à chaque AOM, dans le cadre de sa politique de mobilité, de se mobiliser pour favoriser la mise en œuvre d’un tel projet et limiter ainsi l’empreinte de la voiture particulière sur son territoire.