Le vivant qu’il soit végétal ou animal est pour l’homme une source d’inspiration inépuisable pour ses propres innovations. Il peut s’agir de matériaux, de formes, de procédés, de propriétés remarquables ou d’écosystèmes observés à différentes échelles. Dans tous les cas, la nature nous incite à savoir tirer parti de ses solutions et inventions ingénieuses. Elle les a produites et sélectionnées de manière durable au cours d’un processus d’évolution et d’adaptation qui a duré 3,8 milliards d’années. Son laboratoire s’appelle la Terre. Alors, pourquoi ne pas les appliquer à nos problèmes humains.
Le biomimétisme ou l’observation de la nature
Le biomimétisme ne s’appuie pas sur ce que nous pouvons tirer de la nature. Ainsi, la récolte de fruits ou l’abattage d’un arbre pour fabriquer des meubles n’en font pas partie. Au contraire, il s’agit d’une approche totalement différente. Elle consiste à observer dans la nature les modèles existants pour les transposer à des applications durables en s’en inspirant. Cela s’applique à tous les secteurs d’activité confondus.
Ainsi, parmi les 30 millions d’espèces dont nous ne connaissons qu’une infime partie, chacune a su développer des stratégies étonnantes. Celles-ci visent, par exemple, à s’adapter à son environnement et à continuer à exister. En effet, la survie n’est accordée qu’aux stratégies les plus optimales et les plus favorables à la vie.
De sorte que, sans risque de se tromper on peut affirmer que, pour un défi donné, il y a de fortes probabilités pour qu’une ou plusieurs espèces s’y soient déjà trouvé confrontées et l’aient résolu de manière efficiente. Ainsi, nous est offert un champ incommensurable de bonnes pratiques à imiter. Encore faut-il savoir les découvrir pour s’en inspirer !
Le biomimétisme et les pratiques de R&D
Les deux principales voies pour les innovations inspirées par la nature passent par :
La sérendipité
Elle consiste à faire le lien entre la découverte fortuite d’une fonction ou d’un processus biologique et un usage particulier. Ainsi, c’est au cours d’une partie de chasse avec son chien, que Georges de Mestral a imaginé le Velcro. Des graines de Bardane s’étaient accrochées aux poils du chien et à son pantalon. En les examinant de près, il découvrit une nouvelle manière d’accrocher ensemble deux morceaux de tissu. Il reproduisit ce mécanisme et déposa ensuite un brevet après plusieurs améliorations.
La prise de conscience
Qu’il s’agisse d’un problème technique non résolu ou de la volonté d’innover dans un domaine particulier, la recherche de solutions adaptées peut être dans la nature. Cependant, cette deuxième voie nécessite de passer par une méthodologie structurée pour y parvenir. C’est ainsi que Janine Benyus, scientifique américaine et consultante en innovation, a engagé des travaux sur le biomimétisme pour faciliter l’innovation. Elle visait un design et une production à faible impact environnemental en s’inspirant des organismes vivants et encore plus des stratégies qu’ils mettent en œuvre : c’est ainsi que naquit l’écoconception.
Quelques exemples surprenants issus de la nature
Quel est le point commun entre une feuille de lotus, le bec profilé d’un martin-pêcheur, la patte du lézard, une toile d’araignée et les éponges antarctiques ? Tous sont des miracles de la nature. Étudiés et copiés par des chercheurs, ils ont servi à créer des innovations technologiques.
La feuille de lotus
Elle a une propriété étonnante, celle d’être hydrophobe. Cela signifie que les gouttes d’eau qui tombent sur elle n’y adhérent pas. Au contraire, elles conservent une forme sphérique. Cela leur permet de rouler sur la feuille en emportant au passage toutes les impuretés qui s’y sont déposées. Cette découverte faite par le botaniste Wilhelm Barthlott est appelée depuis « l’effet lotus ». La structure microscopique de la surface de la feuille a ainsi révélé la présence de minuscules aspérités cireuses. Cela a servi d’inspiration pour la fabrication des peintures autonettoyantes utilisées pour les voitures.
Le martin-pêcheur
Il s’agit d’un oiseau qui vit près des cours d’eau. Il se nourrit de petits poissons qu’il attrape en plongeant dans l’eau. Pour ce faire, il doit y pénétrer en gardant le maximum de vitesse et en faisant très peu de remous. C’est ainsi qu’il a développé un bec de forme aérodynamique. Celui-ci a été copié pour la création du Shinkansen, le TGV japonais. En effet, ce dernier devait emprunter, sur ses parcours, de nombreux tunnels à 300 km/h sans perdre de vitesse. Les ingénieurs en charge du projet ont fabriqué l’avant du train en lui donnant la forme du bec d’un martin-pêcheur. Ainsi, ils ont constaté que cela faisait gagner au train 10 % de vitesse, économiser 15 % d’électricité et diminuer la nuisance sonore dans les tunnels.
Le gecko
C’est un petit lézard capable de grimper sur des surfaces rugueuses, poussiéreuses ou humides, en vertical comme au plafond. Pour ce faire, il utilise ses pattes exceptionnellement adhérentes. Des études ont permis de révéler que cette adhérence était due à la présence d’une multitude de poils microscopiques appelés les sétules. Ils recouvrent le dessous de ses pattes et sont baignés par un liquide gras. Ainsi, des technologies ont vu le jour en laboratoire. Elles utilisent des poils synthétiques en polypropylène ou des nanotubes de carbone pour permettre à terme de produire des adhésifs très puissants.
Les toiles d’araignée
Elles ont, quant à elles, des caractéristiques surprenantes. Elles sont 5 fois plus résistantes que l’acier et 3 fois plus que le kevlar, 2 fois plus souples que le nylon et extrêmement légères. Leur grande capacité d’absorption des chocs et leur élasticité leur permettent de s’allonger 5 fois. Ensuite, elles peuvent reprendre leur taille initiale. Actuellement, différentes pistes innovantes sont explorées. Par exemple, on peut citer la fabrication de gilets pare-balles plus légers, plus fins et plus efficaces. Il y a également la création de valvules artificielles pour le cœur, de tendons, de fils pour suturer les plaies ou de nouvelles ceintures de sécurité. Cependant, disposer de toiles d’araignée en grande quantité représente la difficulté majeure. Les chercheurs se sont en définitive tournés vers le lait de chèvre. En effet, celui-ci contient de la spidroïne, matière constitutive des toiles d’araignée, pour poursuivre leurs expérimentations.
Les éponges antarctiques
Elles ont la capacité de synthétiser la silice à température ambiante pour créer leur squelette. A contrario, nous devons utiliser de très hautes températures pour fabriquer du verre, ce qui représente une consommation d’énergie importante. Les laboratoires Bell et Lucent Technologies ont engagé des développements pour fabriquer des fibres optiques à température et pression ambiantes. Ainsi, ils visent à être moins gourmands en énergie en s’inspirant des procédés utilisés par ces éponges.
Le biomimétisme constitue donc un lieu de rencontres pluridisciplinaires formidable pour peu qu’on se donne la peine de s’y pencher. Il ouvre sur de nouveaux champs d’exploration et sur la mise en œuvre de nouvelles inventions. Celles-ci intègrent la dimension environnementale et l’analyse des cycles de vie. Qui plus est, il favorise la création de nouvelles activités économiques, sources de renouvellement d’emplois dans des domaines émergents. Qui plus est, ces dernières peuvent nous positionner avantageusement sur le marché mondial.