Majoritairement dominé par la Chine, le marché des batteries pour véhicules électriques représente 33 milliards de dollars et une industrie en pleine croissance. Il devrait voir émerger au cours des prochaines années un nouveau champion, le Québec. En effet, celui-ci dispose d’atouts indéniables pour se positionner sur la scène mondiale en développant sa propre filière batterie. Pour ce faire, il compte les valoriser et nouer des partenariats stratégiques internationaux. Cela doit lui permettre de devenir la référence en matière de mobilité durable en même temps qu’une alternative à la Chine.
Une stratégie de développement en 3 volets
Construire une chaîne complète allant de la mine à la batterie n’est pas une mince affaire. Pour autant, la stratégie de développement adoptée par le Québec vise à concrétiser son ambition. Celle-ci semble bien tenir la route grâce à un appui politique fort. Elle s’articule autour des 3 volets ci-après qui seront progressivement mis en œuvre :
1) Fabriquer les composants clés en local
DISPONIBILITÉ LOCALE DES MINÉRAUX STRATÉGIQUES
Le Québec dispose de ressources minières rares en quantités importantes issues de mines en exploitation ou à développer. De fait, son sous-sol regorge des minéraux stratégiques nécessaires (lithium, nickel, graphite et cobalt). Ils vont servir à la fabrication des cathodes et des anodes des batteries. Ainsi, le Québec s’affranchit de toute dépendance externe pour son approvisionnement. Il dispose également d’une électricité propre à un prix abordable grâce à Hydro-Québec.
Son objectif consiste désormais à exploiter ces atouts de manière responsable et durable pour l’extraction comme pour la fabrication. Ainsi, il pourrait renforcer sa position de fournisseur de batteries au niveau mondial et répondre aux besoins croissants liés à l’électromobilité un peu partout dans le monde.
IMPLICATION DE PARTENAIRES INDUSTRIELS
D’ores et déjà, le géant chimique BASF et la coentreprise formée par Posco et GM ont choisi de s’installer au Québec. Il en est de même pour le constructeur automobile General Motors. Ils vont assembler les matériaux nécessaires à la fabrication des cathodes, c’est-à-dire du pôle positif d’une batterie lithium-ion. Or, celui-ci représente 40 % du coût global d’une batterie.
Cependant, il reste encore de la place pour d’autres partenariats afin de compléter l’écosystème de cette filière, hormis la cathode, notamment pour le recyclage des batteries. Nemaska Lithium transformera, quant à elle, le lithium québécois après son extraction minière pour le mettre à la disposition des fabricants de cathodes à l’horizon 2024.
INNOVATION ET R&D TRES DYNAMIQUES
Le Québec se positionne à l’avant-garde en matière d’innovation pour les batteries. A ce jour, il a déposé plus de 850 brevets et comprend plus de 40 acteurs en R&D. L’accès au marché nord-américain lui a aussi permis d’engager des partenariats d’affaires avec plus de 65 % des usines nord-américaines. Celles-ci ont en charge la fabrication des cellules de batterie (chaînon manquant pour le moment dans l’écosystème), l’assemblage des batteries se faisant au Québec. Britishvolt et StromVolt ont déjà pris rang pour y répondre en s’installant au Québec.
Ce premier volet a permis à la province du Québec de mettre en place un écosystème unique, particulièrement dynamique et efficace autour des batteries. Commercialement parlant, elle pourra aussi tirer profit des accords de libre-échange avec les États-Unis, l’Europe et le Japon pour exporter ses produits sans pâtir de mesures protectionnistes.
2) Produire des véhicules commerciaux électriques
Ce 2e volet passe par un investissement conséquent afin de renforcer une filière locale déjà bien établie. Elle fabriquera des véhicules commerciaux électriques tels que :
- Des autobus scolaires et de camions (société LION),
- Des autobus urbains (société NOVA BUS),
- Des motoneiges et des motomarines (société TAIGA).
Et intègrera les batteries produites localement. Pour ce faire, le Québec dispose de toute l’expertise nécessaire. Il veillera également à ancrer ces entreprises de manière pérenne sur son territoire.
Ford et General Motors qui sont implantés en Ontario pourront tirer parti de la proximité québécoise pour s’approvisionner en composants pour la production de leurs propres voitures électriques.
3) Développer le recyclage des batteries en mettant en œuvre des technologies québécoises d’avant-garde
Dès lors qu’il s’inscrit dans la mobilité durable, le Québec a la volonté de gérer les batteries lithium-ion sur la globalité de leur cycle de vie et leur recyclage en fait partie. Pour cela, il dispose des technologies adéquates pour recycler jusqu’à 95 % des matériaux issus de batteries en fin de vie. La société Recyclage Lithion vient d’entamer la construction d’une première usine qui devrait entrer en service courant 2023. Sa capacité de traitement serait de 7 500 tonnes de batteries par an, soit l’équivalent de 25 000 batteries provenant de véhicules électriques ou hybrides. Une poudre noire contenant les matériaux stratégiques résultera de cette opération.
A terme, une deuxième usine d’hydrométallurgie transformera cette poudre noire pour fabriquer de nouvelles batteries. Ainsi, ces matériaux récupérés pourront être réutilisés avantageusement. Pour autant, d’autres usages sont aussi envisageables pour ces batteries qui, même si elles ne conviennent plus à la mobilité, peuvent toutefois servir à d’autres usages en l’état.
Conclusion
Aujourd’hui, près de 50 % des véhicules électriques du Canada circulent au Québec. Voilà qui laisse prévoir une belle convergence entre l’industrie des véhicules électriques et celle de la batterie. C’est pourquoi, à moyen terme, le parc industriel et portuaire de Bécancour devrait accueillir le cœur de la filière électrique du Québec. A l’horizon 2030, 25 000 créations d’emplois sont prévues autour de ces deux secteurs d’activités. Des formations concernant les nouveaux métiers de la batterie vont donc aussi devoir être mises en place pour répondre aux besoins de ce créneau porteur.